Vous n’avez qu’à jeter un coup d’œil à mes mains pour savoir que je fais de la polyarthrite rhumatoïde (PR). Celles-ci montrent les changements articulaires classiques de la PR, signes d’une inflammation si forte qu’elle peut tordre l’articulation et lui donner une tout autre forme. Comme de plus en plus de traitements pour la polyarthrite rhumatoïde voient le jour depuis une vingtaine d’années, ceux d’entre nous qui présentent des signes visibles de cette forme d’arthrite inflammatoire et auto-immune deviennent progressivement une espèce en voie de disparition. Quelqu’un qui reçoit un diagnostic de PR aujourd’hui et qui commence à prendre des médicaments rapidement ne subira peut-être jamais les lésions articulaires visibles que je partage avec les autres personnes arthritiques de ma génération.
En tant que personne qui a grandi à une époque où les déformations et les incapacités étaient automatiquement associées à la PR, je suis heureuse de cette extinction.
Toutefois, avoir une maladie chronique sans signes extérieurs n’est pas toujours facile non plus. Qu’elle soit visible ou non, la PR vient avec son lot de préjugés, de difficultés et, croyez-le ou non, d’avantages. Voici un aperçu des avantages et des inconvénients d’avoir une PR « visible » et « invisible » dans quatre aspects de la vie quotidienne.
Le stationnement
Bien que j’utilise maintenant exclusivement un fauteuil roulant motorisé, j’ai vécu de bons moments avec mon ancien fauteuil roulant manuel. Il était facile de le ranger à l’arrière d’une voiture pour partir à l’aventure avec ma sœur ou une amie, et ces expériences ont été rendues plus faciles grâce à mon permis de stationnement accessible. Certes, il n’y a pas beaucoup de places de stationnement accessible (en Ontario, le nombre minimal pour un lot de 350 places ou moins est de quatre places accessibles) et les autres conducteurs ne semblent pas comprendre l’importance de laisser assez d’espace entre les voitures, mais la plupart du temps, nous avons réussi à en trouver. Nous n’avons jamais été questionnées en nous garant dans une place de stationnement accessible.
Cependant, se faire questionner est chose fréquente pour beaucoup de mes amis de la communauté de l’arthrite qui répondent aux critères d’obtention d’un permis de stationnement accessible, mais qui n’utilisent pas de fauteuil roulant. Des gens au hasard décident de se nommer responsables de
l’application du Code de la route, et vont parfois jusqu’à argumenter et à harceler quelqu’un, et ce, même quand ce dernier brandit le permis valide.
Que notre PR soit visible ou invisible, nous sommes fréquemment confrontés à des situations compliquées et agaçantes. Pour moi, c’est lorsque l’accessibilité est minimale ou inexistante, alors que pour mes amis qui ont une PR moins visible, c’est lorsqu’on insiste pour qu’ils prouvent leur besoin d’accessibilité.
Le travail
Le marché du travail présente son lot de défis pour les personnes qui vivent avec la PR et d’autres maladies chroniques. Notre société est remplie d’obstacles systémiques qui nuisent à la pleine participation des personnes qui ont une maladie chronique ou un handicap. Les personnes atteintes de PR visible et invisible peuvent avoir besoin d’accommodements. Il peut s’agir d’ajustement pour rendre les tâches plus faciles pour le corps, comme le travail à distance, l’ergonomie du poste de travail et le droit à des pauses fréquentes pour bouger et éviter les raideurs. Cela pourrait même être des heures de travail flexibles pour éviter les déplacements en heure de pointe ou pour aider quelqu’un qui a plus de douleur et de raideurs le matin.
Les personnes atteintes d’une maladie chronique ont droit à des accommodements en vertu des lois sur les droits de la personne. Toutefois, il est souvent difficile de persuader un employeur d’accepter une demande de télétravail. Du moins, ce l’était avant la pandémie, qui a magiquement rendu le télétravail possible pour tout le monde. Le combat pour l’accès au marché du travail sans saccager son corps va se poursuivre pour nous tous. Et j’espère que la pandémie aura au moins contribué à rendre les milieux de travail plus ouverts et flexibles.
Les relations amoureuses
Quand je parle de relations amoureuses avec quelqu’un dont la PR n’est pas visible, l’une des premières questions est inévitablement « Comment et quand dois-je dire à la personne que je fréquente que je fais de l’arthrite? »
Nous vivons dans un monde où il est acceptable de refuser d’aider une personne qui a une maladie chronique à « gérer » sa maladie. Pendant des années, tous les gars que je rencontrais prenaient la poudre d’escampette dès qu’ils découvraient que je faisais de la PR. J’ai beaucoup pleuré. Et j’ai mangé tout autant de crème glacée pour me consoler. Je me suis même parfois laissé prendre à souhaiter que ma PR ne soit pas aussi visible.
Et, oui, si votre maladie n’est pas visible, vous avez la possibilité d’attendre que l’autre personne vous connaisse mieux pour « faire votre coming-out » sur votre état de santé. Si vous avez suffisamment de temps pour apprendre à vous aimer, on pourrait penser que l’autre personne aurait moins de chance de rompre sans explication. Évidemment, plus vous attendez, plus vous risquez de tomber amoureux, auquel cas vous aurez besoin de beaucoup plus de crème glacée pour surmonter ce rejet potentiel.
Dans ce cas, c’est la maladie elle-même, et non le fait qu’elle soit visible ou non, qui joue contre vous. Faire face à un rejet en raison de quelque chose que vous n’avez pas causé et que vous ne pouvez pas changer fait mal profondément.
Pour beaucoup d’entre nous, cette douleur reste difficile à guérir.
L’amour propre et l’acceptation
Lorsque la norme est d’être en santé et que la diversité corporelle et de capacités est peu tolérée, faire de la PR peut vous donner l’impression que votre corps vous a trahi. Pour réussir à nous accepter et à nous aimer avec notre maladie chronique, nous devons repenser constamment notre conception de la normalité et de la beauté ainsi que notre besoin que notre corps nous obéisse en tout temps. Qu’elle soit visible ou non, la polyarthrite rhumatoïde affecte le fonctionnement de notre corps. Nous partageons donc ces frustrations et ces déchirements. Alors que le mouvement en faveur de l’acceptation corporelle prend de l’ampleur, je crois que nous pouvons trouver un moyen de nous aimer tels que nous sommes, que nos différences soient visibles ou non.
Le besoin d’étiqueter les groupes est humain. Nous nous sommes donc spontanément divisés entre personnes qui ont des signes visibles de PR et personnes qui n’en ont pas.
Mais, en réalité, nous partageons plus de similitudes que de différences. Nous savons tous très bien ce que c’est que de vivre avec cette condition imprévisible qui n’en fait qu’à sa tête. En rejetant les étiquettes qui nous séparent, nous pouvons, en tant que communauté, nous unir, nous accepter et nous entraider.
Ensemble, nous sommes une force qu’il ne faut pas sous-estimer.
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