Tangled thoughts, information overload concept. Several lines from different directions that tangle in a person's head, flat illustration.
Credit: iStock/Dumitru Ochievschi

La douleur qui accompagne la polyarthrite rhumatoïde (PR) peut être écrasante et bouleversante. Apprendre à faire face à la douleur, qu’elle soit intermittente ou chronique, est essentiel pour bien vivre avec la PR.  

Il est important de vous entourer de personnes qui vont vous soutenir dans votre parcours, comme des amis, des membres de votre famille et, bien sûr, vos médecins. Mais comme la douleur est invisible et ne peut être mesurée, il existe un certain nombre d’obstacles qui empêchent les autres de comprendre ce que vous ressentez. L’un de ces obstacles est le concept de « catastrophisme », largement étudié et discuté dans la recherche en rhumatologie. Et c’est un concept qui, je crois, rend presque impossible pour les rhumatologues et les chercheurs de comprendre ceux d’entre nous qui vivent avec cette maladie chronique. 

Qu’est-ce que le catastrophisme?

Le terme « catastrophisme », également décrit comme catastrophisme de la douleur, est défini comme « une tendance à rapporter l’expérience de la douleur en termes exagérés, à ruminer davantage à ce sujet ou à se sentir impuissant face à la douleur ». En d’autres mots, c’est un concept qui décrit les personnes qui ont du mal à gérer la douleur. C’est tout le contraire de l’adaptation et de la résilience. 

Déjà, la définition elle-même pose quelques problèmes. Prenons-les un à la fois.  

Qui décide de ce qu’est une sensation de douleur « exagérée »? Sans tests objectifs, nous sommes obligés de nous fier à des mesures subjectives, en particulier à l’échelle de douleur sur 10. Nous aimons croire que cette échelle est au moins quelque peu scientifique parce qu’elle a des chiffres, mais ici, ce n’est pas le cas.  

Premièrement, les gens n’ont pas la même tolérance et les mêmes réactions face à la douleur. Ainsi, mon « 5 » sur l’échelle n’égale peut-être pas le vôtre. Deuxièmement, à moins que chaque chiffre de l’échelle ne soit accompagné d’une description de l’effet de la douleur sur votre vie, vous et votre médecin avez très probablement des interprétations différentes de la signification de chacun. Et cela permet à votre médecin de décider que votre réponse est exagérée par rapport à la douleur que vous ressentez réellement. 

La rumination se produit lorsque vous « vous concentrez de manière répétitive sur des émotions liées à la détresse ». Pour moi, cela ressemble à une définition inventée par quelqu’un qui n’a jamais souffert. La douleur qui accompagne l’inflammation associée à la polyarthrite rhumatoïde est écrasante. Lorsque vos articulations enflent, du liquide s’accumule à l’intérieur et autour de celles-ci dans des espaces qui ne sont pas conçus pour cela. Quand votre genou prend la taille d’un ballon de football et que le liquide se déplace à l’intérieur de ces espaces restreints, vous avez l’impression qu’un pied de biche s’affaire à séparer votre articulation. C’est pénible et il est très difficile de se concentrer sur autre chose. 

Enfin, le catastrophisme vient avec un sentiment d’impuissance. Je ne passerai pas par quatre chemins : la polyarthrite rhumatoïde est une maladie auto-immune imprévisible qui peut faire dérailler votre vie à tout moment. Lorsque vous n’avez pas le contrôle de ce que vous ressentez et de votre capacité à vivre une vie normale, vous sentir impuissant est une réponse normale. 

Pris ensemble, les facteurs qui définissent le concept de catastrophisme ne reflètent pas une compréhension des changements qui se produisent dans la vie des personnes atteintes de PR, et s’ajoute à cela le fardeau du jugement de ne pas être capable d’y arriver. Nous vivons dans une culture qui aime voir la santé comme la norme, plutôt que le privilège qu’elle est. Ainsi, aucun d’entre nous n’apprend à faire face à des choses difficiles, telles que la maladie, la douleur ou le deuil.  

Notre diagnostic de PR vient généralement avec une prescription de médicaments et un rendez-vous de suivi trois mois plus tard, mais nous sommes rarement dirigés vers les services de physiothérapie, d’ergothérapie ou d’un professionnel de la santé mentale. Quand nous sommes abandonnés au pire d’une maladie accablante et bouleversante sans bouée de sauvetage, le catastrophisme (c’est-à-dire, une mauvaise adaptation) semble être la seule réponse possible à cette tempête. 

Je suis passée par là. J’ai traversé des périodes difficiles où j’avais l’impression de devoir me débrouiller seule. Jusqu’à ce qu’un de mes anciens spécialistes me réfère à un programme de gestion de la douleur. Les participants sont évalués au début et à la fin du programme. De patiente qui n’avait pas de contrôle sur sa douleur, j’ai réussi à développer d’excellentes stratégies de gestion de la douleur. C’était une expérience incroyable. Ce programme m’a appris à ne pas avoir peur de la douleur (la plupart du temps) et m’a donné les outils nécessaires à la gestion de ma douleur et de ma vie avec celle-ci — plutôt que d’être paralysé par elle. 

L’apprentissage de ces compétences s’étendait sur douze semaines et était dirigé par deux psychologues agréés, ce qui en dit long sur la complexité de comprendre comment faire face à la douleur par vous-même. Le fait que j’aie traversé d’autres tempêtes depuis, et que je me sois parfois presque noyée (métaphoriquement parlant), montre également que peu importe vos capacités d’adaptation, la PR devient parfois un tsunami qui détruit tout sur son passage. 

Et c’est pourquoi nous avons besoin de changer le statu quo. 

Changer le statu quo en rhumatologie

Lorsque votre polyarthrite rhumatoïde vous fait souffrir, toute votre vie souffre également. Cette maladie affecte tout ce que vous faites et sa prise en charge nécessite une approche multidimensionnelle. Au cours des dernières années, de nombreux rhumatologues ont commencé à recommander des changements au style de vie (alimentation, exercice) en plus des médicaments sur ordonnance, dans le cadre d’un plan de traitement plus complet. C’est un début. Mais il est essentiel que le domaine reconnaisse également les impacts d’un diagnostic de maladie chronique grave sur la santé émotionnelle et mentale. Il faut arrêter de penser que les patients tombent dans le catastrophisme et commencer à prendre la responsabilité de les aider à développer des outils d’adaptation efficaces. 

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l’absence d’outils pour faire face à la douleur est un obstacle important à l’apprentissage de la vie avec la PR. Des recherches poussées sur le catastrophisme montrent qu’il peut altérer votre capacité à vous distraire pendant les périodes de douleur plus intense, augmenter la dépression et même éventuellement réduire la probabilité de rémission de la PR. De toute évidence, apprendre à faire face à la polyarthrite rhumatoïde et à la douleur qu’elle peut causer pourrait contribuer de manière importante au succès global du traitement.  

L’objectif du traitement de la PR est d’améliorer la qualité de vie de la personne, en plus de montrer des améliorations objectives de la santé. Compte tenu de son lien possible avec la rémission, on peut affirmer qu’offrir la possibilité d’acquérir des habiletés de gestion de la douleur efficace occupe une partie importante des soins requis par la pratique en rhumatologie. Nous avons besoin de plus de spécialistes et de programmes de gestion de la douleur, comme celui que j’ai suivi. Et nous avons besoin de plus de collaborations interdisciplinaires entre la rhumatologie et d’autres professionnels de la santé qui peuvent offrir le soutien dont les personnes atteintes de PR ont besoin.  

Le système évolue lentement et il en va de même pour les soins de santé, mais cela ne signifie pas que vous devez attendre. Discutez avec votre rhumatologue et votre médecin de famille de la possibilité de consulter d’autres professionnels de la santé qui pourraient vous aider à apprendre à faire face à votre douleur. Cela comprend la physiothérapie, l’ergothérapie, les services de santé mentale et les programmes de gestion de la douleur. Le simple fait de prendre la décision de trouver des personnes qui peuvent vous aider à apprendre à faire face à la douleur est incroyablement motivant. Il s’agit de la première étape pour trouver des outils de résilience et d’adaptation qui vous aideront à mieux vivre avec la PR. 

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