Cette histoire a été racontée à CreakyJoints Canada par Cristina Montoya, une diététiste et praticienne holistique du cannabis de 39 ans qui vit en Ontario, au Canada, avec son mari et son fils. Cristina est une ardente défenseure des communautés de l’arthrite et du syndrome de Sjögren, en plus d’être la créatrice de Arthritis Dietitian, un blogue nutritionnel axé sur l’alimentation anti-inflammatoire à base de plantes pour aider les personnes atteintes de douleur et de fatigue chroniques.
Voici l’histoire de Cristina, qui a reçu un diagnostic de PR à 22 ans, dans sa Colombie natale, puis suivi un traitement au Canada.
Au début de ma vingtaine, je vivais en Colombie et en terminant ma quatrième année de baccalauréat, je travaillais comme soignante le week-end. Un jour, alors que j’aidais une femme à monter dans un taxi, mon doigt s’est coincé dans la portière de la voiture. De toute évidence, ça m’a fait mal. Puis, peu de temps après l’incident, j’ai commencé à avoir de très gros maux de tête.
Au début, je ne faisais aucun lien entre les deux maux. Mais, deux semaines plus tard, mes genoux ont commencé à me faire mal, suivis de près par mes chevilles. J’essayais d’expliquer la douleur en jetant le blâme sur l’ascenseur hors service de mon immeuble. Je me disais : « Oh, ça doit être parce que je monte et descends tous ces escaliers ». Parfois, je jetais le blâme sur ma routine d’exercice, attribuant les douleurs musculaires et articulaires à une course difficile.
Puis, soudainement, la douleur est apparue dans mes coudes. Et pour ajouter à la liste croissante des symptômes, mes doigts sont devenus enflés, prenant l’apparence de saucisses.
Je suis donc allée voir mon médecin communautaire et il a commencé à mettre les pièces de mon douloureux puzzle ensemble. Il m’a dirigée vers un rhumatologue, qui m’a fait passer des tests, pour finalement diagnostiquer ma polyarthrite rhumatoïde (PR).
J’avais de la chance. Après tout, de nombreuses personnes doivent attendre plusieurs années avant de savoir ce qui se passe avec leur corps. J’étais reconnaissante d’avoir reçu mon diagnostic seulement quelques mois après l’apparition de mes symptômes. Cependant, ce que je ne savais pas à l’époque, c’est que je vivais aussi avec une tout autre maladie auto-immune depuis 12 ans : le syndrome de Sjögren.
L’enfant toujours malade
Enfant, j’étais constamment malade. Les glandes sous mes yeux gonflaient fréquemment et mon médecin croyait que j’avais les oreillons, encore fréquents en Colombie à l’époque. Mais après le cinquième épisode d’oreillons, un autre médecin a voulu s’est mis à investiguer les autres causes possibles du problème.
Les glandes enflées n’étaient pas mon seul problème. J’ai toujours eu des problèmes digestifs, comme des douleurs abdominales, des brûlures d’estomac, de la diarrhée et de la constipation. Parfois, je vomissais sans aucun signe avant-coureur ou nausée. Je me sentais constamment « sèche » et je ne produisais pas de larmes en pleurant. Ma gorge me faisait mal à un point tel que je ne pouvais pas avaler. Mes dents ont commencé à se détériorer. J’avais une longue liste de symptômes qu’il était impossible de relier.
C’est finalement lors de mon diagnostic de PR que ces symptômes ont pris tout leur sens : le syndrome de Sjögren, une maladie auto-immune qui attaque les glandes responsables de produire les larmes et la salive. Ils ont demandé une radiographie et une petite biopsie de mes glandes salivaires, en plus de mettre un colorant dans mes yeux pour mesurer le volume de larmes que je produisais. Je répondais à tous les critères : je ne produisais que très peu, voire pas, de larmes et de salive, et mes tests de laboratoire indiquaient que j’avais des anticorps associés à la maladie de Sjögren. J’étais essentiellement un cas d’école.
Après avoir vécu longtemps avec des symptômes mystérieux, j’avais maintenant non seulement un, mais deux diagnostics de maladies inflammatoires chroniques.
Il était temps de trouver un traitement.
Prendre conscience des conséquences physiques de l’inaccessibilité d’un traitement
Les médecins m’ont diagnostiqué une PR modérée à sévère, qui avait commencé à déformer mes mains, ce pourquoi ils ont décidé de traiter en priorité mes symptômes de PR avant de s’attaquer au syndrome de Sjögren. J’ai commencé à prendre une forte dose de prednisolone (un stéroïde), des AINS, comme l’ibuprofène, et des opioïdes, comme la morphine. Beaucoup plus tard, j’ai commencé à utiliser des gouttes ophtalmiques anti-inflammatoires pour aider à traiter ma sécheresse oculaire causée par le syndrome de Sjögren.
Lorsqu’ils ont constaté que les traitements visant la PR ne donnaient pas les résultats escomptés, ils m’ont prescrit différents agents antirhumatismaux modificateurs de la maladie (ARMM), qui aident à réduire l’hyperactivité du système immunitaire causant mes symptômes de PR. J’ai commencé en prenant des pilules de méthotrexate, mais après une mauvaise réaction, je suis rapidement passée aux injections. Par la suite, j’ai enchaîné la cyclosporine et l’hydroxychloroquine — je pense que j’ai reçu tous les « anciens » traitements disponibles, à l’exception des sels d’or. Pourtant, aucun d’entre eux n’a fonctionné. Ma douleur était toujours insupportable.
Comme étudiante dans le domaine de la santé, j’étais très proactive dans mes recherches sur la PR. Puisque Google n’existait pas à l’époque, j’ai acquis mes connaissances sur la PR en contactant des experts et en discutant avec eux — un privilège qui m’a été accordé en raison de mon champ d’études.
C’est lors d’une conférence en Colombie que j’ai découvert les biologiques et appris ce qu’ils pouvaient faire pour les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde. Ces médicaments, nouveaux à l’époque, ciblent des molécules spécifiques du système immunitaire pour réduire l’inflammation et traiter les maladies inflammatoires comme la PR. Mais les biologiques n’étaient pas encore largement disponibles, ce qui rendait leur accès incroyablement long et compliqué. Ils n’étaient pas couverts par l’assurance maladie de base, mais uniquement par une assurance privée fort coûteuse. Or, même si vous pouviez accéder aux biologiques et les payer, il existait le risque que leur production soit interrompue, ce qui perturberait tout votre traitement.
Cela m’a fait prendre conscience de l’inaccessibilité du système de soins de santé et des inégalités qui y existent ainsi que de leurs conséquences sur mes recherches de traitement.
S’adapter à un nouveau pays — et à son système de santé
En 2007, trois ans après mon diagnostic, mon mari et moi avons décidé de quitter la Colombie pour déménager au Canada. J’ai organisé tous mes dossiers médicaux en vue du déménagement, puis je les ai donnés à mon nouveau médecin. Lorsqu’il a vu les médicaments que je prenais, il constaté que je n’étais pas encore traitée avec un biologique. Il m’a alors dit que je pouvais cesser mon traitement actuel pour enfin passer à un biologique.
Pour obtenir un médicament biologique, j’ai dû soumettre une demande auprès du Programme de médicaments Trillium, un programme financé par l’État qui aide les résidents de l’Ontario à payer pour les médicaments d’ordonnance coûteux. Le montant de la subvention est calculé en fonction du revenu de votre ménage. Toutefois, que le remboursement d’un biologique soit autorisé, vous devez d’abord essayer d’autres thérapies : le programme a répondu à mon médecin qu’ils ne financeraient pas un médicament biologique tant que je n’aurais pas essayé le léflunomide (Arava), un médicament semblable au Plaquenil, que j’avais déjà pris en Colombie.
J’ai pris ce médicament pendant trois mois, sans voir de progrès. Je me sentais tout simplement mal. Enfin, j’ai reçu l’autorisation pour passer au biologique Humira (adalimumab).
Soudainement, le vent a tourné et les choses ont commencé à s’améliorer. Le traitement fonctionnait à merveille. Je n’arrivais pas croire à quel point je me sentais mieux. Une semaine après la première injection, mes raideurs matinales avaient disparu et je ne sentais plus ce poids sur mes épaules qui m’empêchait de me lever pour entamer la journée. J’ai recommencé à faire de longues promenades à 6 heures du matin, comme avant mon diagnostic. La seule douleur qui persistait provenait de mes articulations déformées, mais ma douleur aiguë et généralisée avait disparu. Je pouvais enfin fonctionner sans l’aide de mon mari pour m’habiller, me nourrir, me coiffer ou m’emmener à la salle de bain.
Après un an, je suis passée à un autre produit biologique, Cimzia (certolizumab pegol), que je prends toujours. J’ai encore de la fatigue de temps en temps, mais la plupart du temps, le médicament calme mes autres symptômes de PR comme la douleur, la raideur et l’enflure.
C’est intéressant de penser aux différences entre deux pays en matière de soins de la polyarthrite rhumatoïde. Bien que je n’aie pas pu accéder aux produits biologiques en Colombie, j’avais le sentiment d’être traitée comme il se doit, en fonction des ressources et des directives dont ils disposaient au moment de mon diagnostic. J’ai également eu la chance que les médecins n’ignorent pas ma douleur.
Au Canada, cependant, j’ai pu me faire soigner, mais sans compassion. J’ai vécu personnellement, mais aussi constaté chez d’autres autour de moi le manque de soutien qu’on donne aux femmes qui souffrent de douleur chronique, en particulier les femmes qui dépendent uniquement de l’assurance gouvernementale pour payer leurs médicaments sur ordonnance.
Devenir une défenseure des droits des personnes qui ont une maladie chronique
Même si j’étais très curieuse d’en savoir plus sur la polyarthrite rhumatoïde après mon diagnostic, je ne voulais pas que ça devienne mon seul intérêt. Je ne voulais pas non plus qu’on me définisse uniquement par mon diagnostic. J’ai donc fait de mon mieux pour cacher ma maladie à ma famille, mes collègues et mes amis.
J’avais la même attitude envers mon diagnostic du syndrome de Sjögren. Mais en 2015, ma vie a changé lorsque la Société Sjögren du Canada, ignorant que j’étais atteinte de la maladie, m’a demandé de faire une présentation sur la nutrition lors d’un événement. En écoutant les histoires des participants, j’ai instantanément ressenti une connexion : nous nous sommes compris, nous partagions les mêmes expériences de douleur et de fatigue.
Je voulais revivre ce sentiment dans la communauté de la PR. J’ai donc commencé à faire du bénévolat à la Société de l’arthrite et je suis entrée en contact avec d’autres patients atteints de PR par le biais de groupes de soutien et de communautés en ligne. Encore une fois, nous parlions le même langage et partagions la même expérience. Échanger avec d’autres et sentir que quelqu’un comprend exactement ce qu’on vit, c’est réconfortant de part et d’autre. C’est ce qui m’a motivée à parler de la PR, non seulement avec d’autres patients, mais aussi avec mes proches.
Utiliser mes connaissances en nutrition pour aider les autres personnes atteintes de PR
Mon cheminement à travers ma polyarthrite rhumatoïde m’a amenée à me pencher sur l’influence de mon alimentation sur mes symptômes, ce à quoi je n’avais pas prêté attention avant de déménager au Canada.
En Colombie, mon alimentation était composée de produits frais et de protéines. Mais, au Canada, j’ai commencé à manger plus d’aliments transformés et en conserve (sans compter la restauration rapide : ces frites salées de chez McDonald sont aussi savoureuses qu’elles sont nocives). Ma première année ici a été difficile côté santé.
Après avoir pris conscience du lien entre les aliments que je consommais et mes poussées d’arthrite, j’ai utilisé mes compétences de diététiste pour guérir mon intestin. J’ai étudié les composants du régime méditerranéen (huiles d’olive, fruits, légumes, grains entiers, haricots et poisson) et j’ai appris comment ce régime pouvait guider mon corps vers une meilleure santé. Est-ce un remède? Non, mais c’est l’un des nombreux traitements qui m’aident à contrôler ma polyarthrite rhumatoïde.
Environ quatre ans après m’être installée au Canada, j’ai également reçu un diagnostic de fibromyalgie. Les médicaments qu’on m’a prescrits pour traiter ce nouveau diagnostic me rendaient malade. Mon mari m’a suggéré d’essayer le cannabis médical. Après lui avoir répondu : « Tu te moques de moi? », j’ai décidé d’en faire l’essai. Le cannabis m’a aidé à gérer la douleur neuropathique associée à la fibromyalgie, soit les petites aiguilles imaginaires que je sentais dans mon dos. Dire que ça m’a convertie serait un euphémisme. En fait, pendant la pandémie de COVID-19, j’ai décidé de suivre un cours sur le cannabis médical et son utilisation, puis je suis devenue une praticienne holistique du cannabis. J’ai découvert toutes les manières dont le cannabis peut aider les personnes qui souffrent de douleurs chroniques. J’ai également réalisé que, même si le cannabis est accessible, il est toujours stigmatisé et les gens ne comprennent pas vraiment ses avantages.
Tout cela a mené à la création d’EduCanNation, un groupe de femmes certifiées en éducation sur le cannabis qui utilisent des données probantes pour créer des ressources visant à éduquer les patients et à les aider à se retrouver dans l’industrie du cannabis médical au Canada, en plus d’aider à réduire la stigmatisation afin que plus de gens puissent connaître ses bénéfices.
Tout comme une bonne nutrition, le cannabis n’est pas une solution miracle. Cela ne réinitialisera pas votre système immunitaire et ne fera pas disparaître votre PR. Pour moi, c’est plutôt un moyen de m’aider à prendre en charge ma douleur, mon anxiété et mon sommeil fin de concentrer mon énergie sur les autres éléments de mon plan de traitement de la PR. Il s’agit simplement d’un autre outil dans mon arsenal face à la PR.
Mes conseils pour les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde
Ne pensez pas uniquement à vos soins physiques
En plus des médicaments visant à prendre en charge les symptômes physiques de la PR, je pense que les patients nouvellement diagnostiqués devraient faire attention à leur santé mentale et envisager de consulter un thérapeute, de préférence quelqu’un qui a déjà traité des personnes vivant avec de la douleur ou une maladie chronique. Je crois qu’il est vital et inestimable d’avoir quelqu’un qui peut vous aider dans le processus de deuil de la personne que vous étiez et dans l’acceptation de ce qui est à venir.
Libérez-vous de votre culpabilité
Vous pourriez avoir l’impression d’avoir causé votre PR d’une manière ou d’une autre et vous demander ce que vous avez fait pour mériter cela. Or, ce n’est pas votre faute. Parvenir à vous débarrasser de ce fardeau mental pourrait faire une énorme différence.
Utilisez votre voix lorsque vous vous sentez prêt(e)
Chaque jour, quelqu’un reçoit un diagnostic de PR. Partager votre expérience peut aider les autres à se sentir moins seuls et les inciter à continuer à chercher le bon traitement lorsque rien ne semble fonctionner. Cette connexion est thérapeutique et vous pouvez jouer ce rôle pour quelqu’un d’autre.
Si je pouvais parler à la personne que j’étais après avoir reçu mon diagnostic
Prends le temps de guérir ton corps. Tu n’as pas besoin de faire croire aux autres que tu es Wonder Woman. Au lieu de foncer, fais une pause, écoute ton corps et découvre ce qui fonctionne le mieux pour gérer ta polyarthrite rhumatoïde. La vie sera toujours là une fois que tu auras déterminé ce dont tu as besoin pour faire face à tes symptômes.
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