A black and white photo of Lene Andersen, an arthritis patient, sits atop a bright yellow background.
Credit: Tatiana Ayazo/Lene Andersen

J’aime dire que je représente à la fois le pire et le meilleur des scénarios que la vie réserve à une personne atteinte de polyarthrite rhumatoïde (PR). Voici un exemple du pire.

Mes symptômes d’arthrite ont commencé à l’âge de 4 ans. J’avais une douleur au poignet droit qui, selon mes parents, venait du fait que j’avais aidé mon père à peindre les murs du salon. Au début, la douleur se déplaçait, apparaissant dans un poignet puis dans une cheville. Finalement, c’est en 1971 que j’ai reçu mon diagnostic, à l’âge de 9 ans.

Certes, vous pourriez penser qu’un diagnostic aboutirait à un traitement efficace, mais j’ai grandi au Danemark pendant ce que je surnomme (pas tant) affectueusement « l’âge des ténèbres de la rhumatologie ». À l’époque, les seuls traitements contre l’arthrite auto-immune étaient les stéroïdes et les injections de sels d’or, qui n’ont tous deux pas donné grand-chose pour moi. L’inflammation était donc libre de gruger mon corps; ce qu’elle a fait avec enthousiasme. J’ai passé des années à l’hôpital, alors que les médecins tentaient de freiner la progression de ma maladie avec de l’exercice et des ponctions articulaires, une procédure où on draine le liquide accumulé dans une articulation dans l’espoir de soulager la douleur. Or, rien n’a fonctionné. Mes articulations ont changé et se sont fusionnées. Ainsi, à l’âge de 14 ans, j’étais alitée et mes hanches ne bougeaient plus. Les médecins m’ont recommandé des remplacements articulaires, mais, à cette époque, les prothèses étaient fabriquées en Angleterre. Qui plus est, j’avais besoin qu’elles soient fabriquées sur mesure en raison de ma petite taille.

J’ai passé deux ans dans un lit d’hôpital à attendre que mes hanches soient prêtes. Cela dit, une fois qu’elles l’ont été, les étapes suivantes se sont déroulées rapidement et, en six mois, j’étais l’heureuse propriétaire de deux hanches en titane et d’un fauteuil roulant électrique. J’ai pu rentrer chez moi, retrouver mes amis à l’école et tenter de reprendre une vie normale. (Et, pour ceux qui se posent la question, les hanches fonctionnent toujours bien.)

Aussi joyeuse et légère que je puisse paraître quand je décris mes premières expériences avec la polyarthrite rhumatoïde, c’était tout sauf ça. Avant mon diagnostic, j’étais intrépide et j’allais toujours vite. Mais vivre avec une forme auto-immune d’arthrite m’a transformée en une personne profondément anxieuse et immobilisée, littéralement. Cette période de ma vie me hante toujours, mais elle me motive aussi à mordre dans la vie.

Perdre mon emploi et revoir mes priorités

J’ai eu de la chance : mes parents se sont dévoués à me donner une vie aussi « normale » que possible, et ils avaient les ressources pour y arriver. Je suis allée à l’université, d’abord au Danemark puis au Canada, après que nous nous soyons installés là-bas au début des années 1980. J’ai éventuellement obtenu une maîtrise en travail social, qui m’a amenée à travailler sur les politiques en matière de droits de la personne. Plus précisément, j’essayais de faire du gouvernement une entité plus accessible pour les personnes handicapées. C’était une période passionnante, pendant laquelle j’ai pris plaisir à créer un environnement de travail plus diversifié. Cette aventure a duré jusqu’au milieu des années 1990, lorsque Mike Harris, du Parti progressiste-conservateur, a été élu en Ontario. Sous sa direction, la Loi sur l’équité en matière d’emploi a été abrogée, bien que le mandat ait fait des merveilles pour les taux d’emploi des minorités. Soudain, j’ai perdu mon emploi, comme bon nombre d’autres personnes handicapées qui avaient enfin trouvé du travail. Cette blessure a été profonde et je ne m’en suis jamais complètement remise, mais ça m’a aussi motivé à continuer à défendre l’accessibilité et les droits des personnes handicapées.

Une autre expérience qui m’a permis de vivre à la fois le pire et le meilleur.

Perdre mon emploi m’a également permis d’être présente pour ma famille lorsque mon père a développé une démence. J’ai pu l’aider et aider ma mère jusqu’à son décès. Chaque étape de ce processus a été difficile, mais, en situation de crise, il y a quelque chose à l’intérieur de nous qui nous permet de laisser ce qui n’est pas important derrière et de prioriser ce que nous aimons. Dans cette situation, j’ai choisi de prioriser ma famille.

Attendre ma dernière chance

Pendant la maladie de mon père, ma polyarthrite rhumatoïde était assez calme. Cependant, après sa mort, avec l’atténuation du stress accumulé au cours des dernières années, mes symptômes sont revenus en force et ont surpassé tout ce que j’avais connu depuis des décennies. En 2004, mon rhumatologue a recommandé un traitement assez nouveau pour l’époque, les « biologiques ». Ces médicaments aidaient à réduire l’inflammation et la douleur associées à la PR en bloquant les signaux du système immunitaire impliqués dans le processus inflammatoire. Malheureusement, le coût de ce traitement était élevé et j’ai donc dû demander un soutien financier au gouvernement pour m’aider à le payer. En Ontario, il s’agit du Programme de médicaments Trillium. Or, la paperasse gouvernementale avance aussi vite qu’un glacier. Et pendant que j’attendais, l’inflammation continuait de faire des ravages. Je vivais dans une agonie indescriptible, tant physique qu’émotionnelle, car mes capacités, mon énergie et ma masse musculaire diminuaient de jour en jour. Rendue à Noël, la seule chose que j’ai pu trouver pour me convaincre de continuer à avancer était de me fixer une date butoir : si je n’avais pas de solutions d’ici six mois, j’accepterais de recourir au suicide.

Ce n’est pas que je ne voulais plus vivre; je ne voulais simplement plus vivre avec de la douleur. Avec du recul, j’aurais dû en parler à mes médecins pour qu’ils puissent m’aider à trouver des ressources appropriées en santé mentale ou même qu’ils essaient d’intervenir pour que j’obtienne le financement plus rapidement. Or, le sentiment de désespoir et la lutte quotidienne juste pour survivre prenaient toute mon énergie que ça ne m’est pas venu à l’esprit d’aller chercher de l’aide.

Heureusement, le financement pour le médicament a été approuvé peu après le Nouvel An et, le 7 janvier 2005, à 15 h 35, j’ai reçu ma première injection de ce fameux biologique (Enbrel) au cabinet de mon médecin. Je suis rentrée chez moi pour faire la sieste. Quand je me suis réveillée quelques heures plus tard, je me sentais en quelque sorte différente : j’allais un peu mieux et j’étais un peu plus légère. Ça ne veut pas dire que tous les biologiques fonctionnent aussi rapidement, ni même que ce biologique en particulier va fonctionner aussi rapidement pour tout le monde. Parfois, il faut attendre jusqu’à trois mois pour ressentir leur plein effet.

Chercher la lueur d’espoir à travers les problèmes de santé

Ce financement gouvernemental m’a sauvé la vie à ce moment-là, et continue de le faire aujourd’hui. Bien sûr, je n’ai pas été guérie du jour au lendemain, comme par magie. En quelques semaines, l’inflammation s’est suffisamment résorbée pour qu’on puisse reconnaître mes articulations qui étaient méconnaissables à cause de l’enflure. Puis, j’ai commencé à retrouver ma mobilité, petit à petit. Lors de mon suivi chez le rhumatologue trois mois plus tard, nous étions tous les deux émerveillés par mes doigts qui étaient enfin libérés de l’inflammation. À toute fin pratique, j’étais en rémission. L’inflammation s’était estompée, mon énergie et ma force revenaient. Il a tout de même fallu trois ans pour que toute trace d’inflammation ait disparu de mes analyses sanguines. Certes, les biologiques ont été miraculeux pour moi, mais les choses ne sont toujours pas parfaites. C’est impossible de renverser les dommages à mes articulations et mes limitations qui se sont développés quand j’étais enfant. Par conséquent, la fatigue chronique et la douleur font quand même partie de ma vie, mais, tant que je prends mes médicaments, l’inflammation, elle, est absente. Et ça m’aide déjà beaucoup.

La rémission est vraiment le meilleur scénario que toute personne atteinte de PR peut espérer. Pourtant, les choses se sont améliorées pour moi au-delà de cela. Je savais qu’on m’avait donné une seconde chance et je voulais l’utiliser pour réaliser mon rêve de devenir écrivaine. J’ai commencé à tenir un blogue, The Seated View. Puis, quelques années plus tard, j’ai été embauchée comme rédactrice pour HealthCentral, un important site Web sur la santé aux États-Unis. À partir de là, j’ai écrit un livre, Your Life with Rheumatoid Arthritis : Tools for Managing Treatment, Side Effects and Pain, et je suis devenue activiste pour les personnes qui ont des maladies chroniques et un handicap au Canada et aux États-Unis. Pour couronner le tout, j’ai rencontré l’amour de ma vie, David.

Ce scénario est assez merveilleux, n’est-ce pas?

Allez chercher du soutien psychologique

Nous savons à quel point ça peut être difficile de tenir le coup en période d’incertitude, surtout lorsqu’on vit avec une maladie chronique. Il est important de parler à quelqu’un qui peut vous aider. Voici quelques ressources en santé mentale :

  • Pour trouver des groupes de soutien et des services près de chez vous, vous pouvez appeler Services de crises du Canada au 1-833-456-4566. Services de crises du Canada est ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
  • La Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être offre une intervention d’urgence immédiate aux personnes autochtones du Canada. Vous pouvez accéder à la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être au 1-855-242-3310, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
  • Si votre problème de santé mentale est urgent pour vous ou pour quelqu’un d’autre, vous devriez appeler le 911.

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