red speech bubble with abstract swear word in flat
IStock/Mark Kolpakov

Si vous passez par Toronto et que vous voyez un nuage bleu parsemé d’éclairs clignotants suspendu au-dessus du centre-ville, vous saurez où me trouver. Je sacre vraiment plus quand ma douleur est plus intense. Mon approche varie selon la source de la douleur. Lorsque ma douleur chronique associée à la polyarthrite rhumatoïde (PR) commence à monter en flèche, elle s’accompagne d’un flux constant de F*&% et d’autres sacres anglais marmonnés.

Mais quand je me blesse, comme quand j’oublie de freiner en fauteuil roulant et que je fonce pieds premiers dans un mur, c’est une explosion de jurons danois bien sentis qui sort. Dans les moments de choc et de douleur intense, je reviens aux premiers « mauvais » mots que j’ai appris en grandissant au Danemark, mais j’utilise ma deuxième langue pour la douleur moins intense, qui bien sûr peut quand même faire très mal. 

Quand j’ai mal, jurer me soulage. Pendant la majeure partie de ma vie, j’ai pensé que c’était dû à la libération émotionnelle, mais j’ai aussi essayé de pas trop exagérer, du moins en dehors de chez moi, en partie parce que ce n’est pas considéré comme poli, surtout chez les femmes, mais aussi parce que les sacres ont tendance à être considérés comme une réaction démesurée et déraisonnable à la douleur. Pendant un certain temps, le domaine médical a considéré les jurons en cas de douleur comme du « catastrophisme », c’est-à-dire une réponse inadaptée. 

Et puis les choses ont changé. 

Au cours des dernières années, les chercheurs ont commencé à étudier le lien entre les sacres et la douleur. Lâcher un gros sacre en se blessant est une réponse humaine courante sans rapport avec la douleur chronique. Lorsque les gens sont en colère ou se cognent un orteil, le premier son qui sort de leur bouche est souvent un juron.  

Pourtant, la plupart d’entre nous ont grandi en apprenant à ne pas jurer et en essayant très fort de ne pas le faire, du moins en public. Un chercheur britannique s’est demandé pourquoi nous continuons à sacrer, alors qu’il y a tant de pression sociale pour ne pas le faire. Dans une étude publiée dans la revue Frontiers in Psychology, il a découvert que sacrer aidait à augmenter le seuil de douleur et la tolérance à celle-ci jusqu’à 33 %. Cette recherche a été reproduite à plusieurs reprises et il y a maintenant un intérêt grandissant pour examiner les avantages de jurer pour faire face à la douleur.  

Quatre façons d’améliorer sa vie grâce aux jurons

Savoir que la science est d’accord avec moi au sujet des jurons est extrêmement satisfaisant et a éliminé toute pression pour soigner mon langage, du moins quand il s’agit d’exprimer ma douleur. Cela dit, je me mets quelques balises sur quand et où (et comment) je jure. Peut-être qu’ils vous aideront à vous sentir plus à l’aise d’adopter le sacre, vous aussi. 

Réfléchissez avant de sacrer

Il y a des moments et des endroits où sacrer est inapproprié. Pensons notamment au lieu de travail, aux réunions professionnelles Zoom, aux vidéos sur les réseaux sociaux (parfois, on vous avertira si votre langage n’est pas adapté aux jeunes), en compagnie d’enfants ou à des événements où jurer pourrait mettre d’autres personnes mal à l’aise. Il faut garder les bonnes manières et considérer les autres quand on le pratique. Lorsque sacrer n’est pas considéré comme poli ou approprié, je fais de mon mieux pour donner la priorité aux sentiments des autres. 

Respectez vos propres limites

Selon votre éducation et votre opinion, vous pourriez être mal à l’aise de sacrer ou même sentir que cela va à l’encontre de votre code moral. Ou vous pourriez être comme moi, c’est-à-dire bien à l’aise de pousser plusieurs jurons tout en vous fixant une limite pour certains termes particuliers que vous jugez être offensants. Utilisez ce qui vous semble confortable et commencez par les mots qui vous viennent naturellement quand vous vous brûlez accidentellement en préparant le souper. C’est peut-être une version plus polie de certains jurons (par exemple, citron ou câline) ou peut-être juste un OUCH bien senti. Bien que les jurons puissent être un outil de plus pour prendre en charge votre douleur, ils ne sont en aucun cas obligatoires. 

Soyez particulièrement prudent en milieu médical

Bien que j’essaie d’être professionnelle quand je suis dans un environnement médical parce que je trouve que cela aide à créer une atmosphère de collaboration, vous aurez éventuellement à y subir des traitements qui font mal. Pendant une grande partie de ma vie, je ravalais ma douleur en me repliant silencieusement sur moi-même. L’effet que cette stratégie a eu sur moi est que lorsque quelque chose est très, très douloureux, je perds temporairement ma capacité à m’exprimer.  

Heureusement, les procédures médicales extrêmement douloureuses s’accompagnent généralement d’une anesthésie locale ou générale. Pour le reste, j’ai abandonné la retenue. J’essaie de ne pas insulter le professionnel de la santé, qui après tout essaie seulement de m’aider, en laissant plutôt échapper une séquence de blasphèmes plus généraux tout en modifiant mon ton en un marmonnement. Le but n’est pas de paraître agressive, mais d’exprimer la douleur d’une manière qui m’aide à y faire face. Si le médecin ou l’infirmière a l’air surpris, je citerai la recherche, expliquerai que c’est un outil d’adaptation et qu’il ne devrait pas le prendre personnel. Et puis je recommencerai à marmonner pour moi-même. 

Laissez libre cours à votre créativité

Depuis mon adolescence, j’aspire à être le genre de personne qui peut sacrer pendant plusieurs minutes sans se répéter. Hélas, je n’ai pas encore atteint cet objectif, répétant à la place certains de mes jurons favoris. Mais je n’ai pas abandonné. Historiquement, jurer était incroyablement créatif. Essayez de googler « anciens jurons » pour un peu d’inspiration. La prochaine fois que je me blesserai, au lieu de mon répertoire limité habituel, je pourrai essayer de dire « Jarnidieu! Ce maususs d’orteil dans le chemin! Je suis vraiment une butorde d’avoir foncé dans le mur. » Ça sonne bien, n’est-ce pas? Ça pourrait aussi avoir l’avantage de me faire rire pendant ces moments difficiles, et pour moi, c’est toujours une bonne chose. 

Pour faire face à la douleur causée par la polyarthrite rhumatoïde, il faut une boîte à outils pleine de trucs et de remèdes différents. En plus des outils habituels, comme les médicaments, les sacs magiques, les blocs réfrigérants et les étirements doux, la mienne comprend également un bon livre ou un film, caresser mon chat, ventiler à un ami et sacrer comme un charretier. Ça pourrait fonctionner pour vous aussi. 

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Sources:

Swearing as a Response to Pain: Assessing Hypoalgesic Effects of Novel “Swear” Words. Frontiers in Psychology. doi: https://doi.org/10.3389/fpsyg.2020.00723. 

Worrall S. Swearing Is Good For You—And Chimps Do It, Too. National Geographic. January 2018. https://www.nationalgeographic.com/science/article/science-swearing-profanity-curse-emma-byrne.