Patient Journey1- CJCanada[1]

Dans le cadre de sa mission d’inspirer, de responsabiliser et de soutenir les patients atteints d’arthrites et leurs aidants, CreakyJoints Canada souhaite faire le portrait de défenseurs qui font une différence dans la communauté canadienne des patients atteints d’arthrite.

Si vous faites de l’arthrite et que vous prenez un médicament biologique pour la traiter, vous devez en partie remercier Linda Wilhelm. Présidente de l’Alliance canadienne des arthritiques (ACA), Linda a été l’une des premières à défendre l’accès à ces thérapies qui changent la vie. Dans les prochaines lignes, nous vous présentons son histoire fascinante et ses réflexions pour les patients nouvellement diagnostiqués qui souhaiteraient s’exprimer, se faire entendre et s’impliquer.

Un début difficile

En 1983, j’ai reçu un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde (PR). Je ne connaissais rien de la maladie et j’ai eu beaucoup de difficulté à naviguer à travers le labyrinthe des soins. Jusque-là, ma seule interaction majeure avec le système de santé avait eu lieu lors de mes grossesses et accouchements. J’ai attendu longtemps avant d’avoir un diagnostic, en partie parce qu’à l’époque, les médecins ne comprenaient pas encore très bien la polyarthrite rhumatoïde. C’était difficile de trouver un médecin qui connaissait bien cette maladie et ma condition.

Contrairement à l’arthrose, la forme d’arthrite la plus courante qui est causée par la détérioration du cartilage articulaire au fil du temps provoquant douleurs et raideurs, les formes d’arthrite inflammatoires et auto-immunes comme la PR surviennent en raison d’un système immunitaire hyperactif. Mon organisme attaquait mes propres articulations, me causant beaucoup de douleur.

J’étais enceinte de mon deuxième enfant lorsque j’ai reçu mon diagnostic. Après la naissance du bébé, j’allaitais, donc je ne voulais pas prendre de médicaments. Au lieu de cela, un physiothérapeute est venu chez moi et nous avons travaillé ensemble. Une fois mon bébé sevré, on m’a prescrit de fortes doses d’Entrophen, un médicament anti-inflammatoire. Je suis entré en rémission après environ un an, mais j’avais déjà des lésions articulaires importantes à la cheville et au coude.

Au cours des dix années qui ont suivies, j’ai navigué à travers le système de santé du mieux que je le pouvais. Puis, nous avons déménagé de la Colombie-Britannique à la côte est du Canada où j’ai eu un autre bébé. Après cette grossesse, je me suis retrouvé en très mauvais état. Ma PR était devenue agressive et sévère. Mes médicaments ne fonctionnaient que pendant une courte période avant que je doive passer à un autre. J’ai essayé plusieurs médicaments pendant environ sept à huit ans, passant de l’un à l’autre.

Enfin, en 1999, j’ai épuisé mes options de traitement; j’avais essayé tous les médicaments à ma disposition. Je me suis retrouvé à l’hôpital pendant trois mois, incapable de marcher. Avec trois enfants à la maison âgés de 12 à 17 ans, j’étais au bout du rouleau. Je ne pouvais plus continuer.

Apprendre le pouvoir de s’exprimer

Les produits biologiques, des médicaments qui ciblent l’hyperactivité du système immunitaire qui cause l’inflammation dans la polyarthrite rhumatoïde, venaient d’arriver sur le marché, mais l’évaluation des nouveaux médicaments était alors un processus lent au Canada. Notre système accusait donc beaucoup de retard dans les évaluations. Ces médicaments avaient été approuvés aux États-Unis quelques années avant d’arriver chez nous. C’était frustrant de savoir qu’il y avait un médicament qui pouvait aider des patients comme moi, mais que je n’y avais pas accès.

En même temps l’étanercept (Enbrel), un médicament biologique, était approuvé pour la première fois aux États-Unis à la fin des années 90, une candidate aux élections dans ma région a cogné à ma porte. Je lui ai posé des questions sur le nouveau médicament. Pourquoi n’était-il pas disponible au Canada?

Sa réponse a été très condescendante. Elle m’a tapoté l’épaule en disant : « Vous savez, le processus pour approuver les nouveaux médicaments est assez compliqué. » Elle a supposé que je ne comprenais pas ledit processus. C’était une époque différente : Internet était nouveau, il n’y avait pas de médias sociaux et les patients n’étaient pas aussi mobilisés et rassemblés au sein d’une communauté. Cet échange m’a mise en colère. J’ai décidé de commencer à apprendre tout ce que je pouvais.

Après de nombreux appels téléphoniques, des activités d’auto-représentation et des réunions avec des politiciens, j’ai pu obtenir une autorisation spéciale pour recevoir le produit biologique. Cela n’a pris que deux jours avant que j’en sente des bienfaits. Ma vie a complètement changé. En moins d’une semaine, j’étais sortie de l’hôpital. C’était aussi miraculeux que ça.

Sans traitement pendant 15 ans, je commençais soudainement à avoir espoir de retrouver une vie normale.

Six mois plus tard, j’ai dû me battre avec la compagnie d’assurance de mon mari. À cette époque, les produits biologiques figuraient parmi les médicaments les plus chers sur le marché. Ils coûtaient 25 000 dollars par an. J’ai réussi à convaincre la compagnie d’assurance de mon mari de les rembourser, mais uniquement parce que leur police venait à échéance. Le service des ressources humaines de mon mari s’est battu pour moi et leur a dit : « Écoutez, si vous ne le remboursez pas, nous allons changer de compagnie d’assurance. » Et ça a fonctionné.

Malgré cela, je me sentais coupable du fait que je recevais un traitement qui changeait ma vie et je savais que les autres qui en avaient désespérément besoin ne pouvaient pas y avoir accès.

Élargir la portée de la défense des droits des patients atteints d’arthrite

Peu après, je suis entrée en contact avec la Société de l’arthrite, un organisme de bienfaisance national en santé. Leur PDG était visionnaire et il comprenait vraiment que si nous voulions ajouter les produits biologiques à la couverture du système de santé public, il fallait que ceux d’entre nous qui avaient de graves déformations et d’importantes limitations soient mis en première ligne de cette bataille.

Nous avions besoin que les gens comprennent ce qui nous pouvait arriver. J’étais une femme de 40 ans qui avait subi 14 chirurgies pour remplacer ou fusionner des articulations. Je savais ce qu’une maladie comme la polyarthrite rhumatoïde pouvait faire, et je savais que ces thérapies pouvaient empêcher que cela n’arrive à quelqu’un d’autre. Que ce soit moi qui dise « Vous devez payer pour ce médicament » aurait plus d’impact que si le message était porté par quelqu’un qui ne le vivait pas tous les jours.

La Société de l’arthrite a alors formé une alliance de défense des droits des patients, l’Alliance canadienne des arthritiques (ACA). J’étais l’une des membres fondatrices du comité de direction. Nos objectifs seraient de guider et de former d’autres personnes et, en 2003, nous avons aidé à rendre des produits biologiques disponibles dans les dix provinces du Canada. Quelques années plus tard, après avoir pris beaucoup d’ampleur, nous avons décidé de devenir une organisation indépendante.

Amplifier la voix du patient

L’ACA est une petite organisation de bénévoles dirigée par des personnes atteintes d’arthrite inflammatoire. La grande partie de notre travail se fait à travers la collaboration et le partenariat afin d’ajouter de l’action à notre immense intérêt. Par exemple, nous sommes membres d’une organisation appelée Best Medicines Coalition, une alliance d’organisations nationales ou régionales de patients qui s’attaquent aux enjeux relatifs aux médicaments et qui mettent de l’avant les préoccupations concernant leur accès, et ce, au niveau politique national au Canada.

Nous travaillons également en partenariat avec d’autres organisations de patients comme le Réseau canadien du psoriasis, l’Alliance canadienne des patients en dermatologie, l’Association canadienne de spondylarthrite – et maintenant, avec CreakyJoints Canada. Il est utile d’avoir ce réseau lorsque vous voulez créer des ressources. Cela nous permet de partager aux patients les possibilités de s’impliquer et de faire entendre leur voix.

Regarder vers l’avant

J’espère que les Canadiens s’impliqueront de plus en plus dans la prise de décisions en matière de politique des soins de santé à l’avenir. Au Canada, notre système de santé est public, et les gens pensent qu’il est gratuit et que nous devrions simplement être reconnaissants de l’avoir. Mais nous le payons avec nos impôts. Une grande partie de notre argent est consacrée à ce service. Et nous méritons d’avoir notre mot à dire sur la façon dont ces dollars sont dépensés. J’espère que les patients seront intégrés aux organisations de défense des droits afin de pouvoir donner leur point de vue et d’identifier les meilleures pratiques et la façon dont les choses peuvent s’améliorer.

À l’heure actuelle, nous avons également un problème de ressources humaines en rhumatologie au Canada. Il y a une pénurie de rhumatologues et les patients attendent beaucoup trop longtemps pour être vus. J’ai travaillé avec des chercheurs sur des modèles de soins pour l’arthrite inflammatoire, où, idéalement, un patient aurait une consultation rapidement, recevrait un diagnostic, commencerait un traitement dans un délai de trois mois, puis serait en rémission dans un délai de six mois.

Ça peut sembler trop optimiste, mais je vois déjà des signes que nous allons dans la bonne direction. Lors de ma dernière visite chez le chirurgien pour un rendez-vous de suivi, nous étions en train de passer en revue mes hanches, mes genoux, mes épaules et mon coude, ainsi que mes fusions cervicales de la colonne vertébrale, de la cheville et du poignet, et il m’a dit qu’il ne voyait plus beaucoup de personnes atteintes d’arthrite inflammatoire à cause de la disponibilité des médicaments biologiques. Comme ces thérapies contrôlent les symptômes et empêchent la progression de la maladie, les patients nouvellement diagnostiqués ne subiront probablement pas les lésions articulaires et les chirurgies que j’ai eues.

Mon rêve est que chaque patient atteint d’arthrite soit en rémission et puisse vivre une vie normale plutôt que d’endurer autant de limitations et de chirurgies que moi.

Comment s’impliquer

Nous avons tous commencé quelque part. Je fais beaucoup de mentorat pour les nouveaux patients atteints d’arthrite qui veulent s’impliquer et essayer la défense des droits. Vous pouvez communiquer avec des organisations de patients comme l’ACA et CreakyJoints et commencer par là. Voici comment procéder :

Informez-vous autant que vous le pouvez. Renseignez-vous le plus possible sur votre maladie : Quels sont les traitements disponibles? Que peut offrir votre système de santé? Qu’est-ce qui peut être amélioré?

Impliquez-vous dans la recherche. Il existe plusieurs possibilités de s’engager dans la recherche. Inscrivez-vous à des groupes de discussion sur les soins de santé. La plupart des gouvernements provinciaux en ont actuellement ou commencent à explorer des initiatives pour l’avenir. (Voici un exemple du Nouveau-Brunswick.) Vous pouvez également trouver des organisations desservant tout le Canada, comme Arthrite-recherche Canada ou l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé.

Racontez votre histoire. Partagez vos expériences sur vos difficultés et vos réussites. Donnez aux autres l’occasion de se voir en vous. Et parlez aux élus. Écrivez des lettres. Faites-leur savoir quelles sont vos priorités et demandez des changements. L’ACA propose des modèles et des suggestions de points de discussion que vous pouvez télécharger (en anglais seulement).

Rejoignez la communauté CreakyJoints

Pour les personnes qui vivent avec une maladie chronique, il peut être utile de faire partie d’une communauté qui se soucie de vos besoins et qui les défend. Renseignez-vous sur CreakyJoints Canada et impliquez-vous!